À l’approche du week-end et après quatre semaines de confinement, j’ai pensé qu’il pouvait être intéressant de faire le point sur nos émotions, et sur comment on pouvait gérer au mieux ces prochaines semaines et la période de déconfinement.
Cet article a été inspiré par F. Devynck, Dr en Psychologie.
Tout d’abord, qu’est ce qu’une émotion et à quoi ça sert ?
Si nous reprenons la racine latine du mot émotion, nous avons emovere qui signifie « mettre en mouvement.
Les théories de l’évolution et de l’adaptation considèrent l’être humain comme une espèce sociale dont l’objectif est de survivre et de faire perdurer son espèce. Darwin (1872) définit les émotions comme innées, universelles et communicatives.
Ces émotions innées se développent en réponse à différents ensembles de situations (Tobby & Cosmides, 1990). Elles agissent donc comme des signaux d’alarmes que notre cerveau nous envoie dans le but de maintenir nos objectifs (objectifs de survivre et de faire perdurer l’espèce).
On distingue ensuite les émotions négatives des émotions positives. Les émotions négatives sont des signaux qui indiquent des évènements dans notre environnement qui pourraient être des menaces à l’atteinte des nos objectifs. Au contraire, les émotions positives indiquent des éléments qui favoriseraient la réalisation de ceux-ci.
Que nos émotions soient positives ou négatives, ce signal d’alarme nous appelle à arrêter notre activité, observer ce qu’il se passe puis à réagir en s’adaptant à notre environnement.
Cette adaptation environnemental correspond à ce que nous appelons « Stratégies de gestion des émotions ».
Les émotions agissent sur nos comportements quotidiens, sur nos choix et nos perceptions. Elles rendent la communication plus efficace et lui confèrent un haut niveau d’impact. En outre, les émotions jouent un rôle clé dans tous processus d’apprentissage en agissant sur la capacité de mémorisation de l’apprenant, sur sa rétention de l’information et sur son attention (Alvarado, 2002).
Le panel des émotions face à l'actualité : peur, anxiété, colère, ennui, tristesse...
Avant d'aller plus loin, si vous ne l'avez pas vu, je vous conseille fortement le film d'animation Pixar "Vice et Versa" qui parle des émotions, aussi bien pour les petits que pour les grands.
Est ce normal d'avoir peur face aux actualités ?
Oui. Bien sûr que oui. Votre cerveau reçoit en continue des éléments extérieurs d'informations qui peuvent être vécus comme des menaces.
En ressentant la peur, nous mettons en place des stratégies d'adaptation qui nous permettent de rester vigilant.e.s et motivé.e.s face à cette épidémie. Si nous ne ressentions plus la peur, nous relâcherions tous nos efforts face aux mesures de confinement.
Qu'est ce que la peur ?
La peur signale la présence d’un risque pour notre survie physique ou mentale et crée un état de vigilance pour se préparer à l’action. La menace est présente, réelle. Il va donc falloir y réagir rapidement.
À quoi cela peut-il nous servir d’avoir peur ?
La peur nous avertit de la présence possible d’un danger. L’information qu’elle fournit nous permet de prendre les mesures pour nous protéger. À ce titre, elle est très précieuse et même indispensable à la vie.
Le signal émotionnel libère de l'adrénaline, 3 comportements sont donc possibles :
Je fuis
Je me cache
Je lutte
Comment pouvons-nous gérer au mieux notre peur ?
Depuis le début du confinement on nous le répète régulièrement, il faut mettre en place des barrières de prévention.
Accepter d’avoir peur et s’autoriser à en parler.
Rester chez soi
Respecter la distance sociale
Se laver les mains régulièrement
Ne pas se toucher le visage
Tousser ou éternuer dans son coude
Prendre sa température
En mettant en place ces stratégies, nous diminuons notre sentiment de peur et nous augmentons notre sentiment d'efficacité personnelle.
Et oui, c'est normal de ressentir à certains moments de la peur, je vous rappel que cela nous permet de garder notre motivation face à cette épidémie.
Qu'est ce que l'anxiété ?
L’anxiété est une émotion souvent ressentie comme désagréable qui correspond à l’attente plus ou moins consciente d’un danger ou d’un problème à venir. L’anxiété est un phénomène normal, présent chez tous les individus. Le fameux "Et si" suivi d'un ou plusieurs "scénarios catastrophes" que nous connaissons bien.
L’anxiété peut s’avérer un phénomène utile quand elle attire l’attention sur des dangers réels ou des situations à risque : le souci, l’inquiétude servent alors à prendre des précautions pour éviter ces risques.
Est-ce normal d'être anxieux.se face au Covid-19 ?
Comme pour la peur, ressentir de l'anxiété est tout à fait normal.
L'anxiété provoque des inquiétudes. C'est à dire des pensées qui visent à imaginer des scénarios catastrophes.
L'apparition du "Et si" qui n'en finit plus :
Et si je perd mon emploi ?
Et si j’attrape le virus ?
Et si cela dure encore des mois ?
Et si je ne retrouve pas ma vie d'avant ?
Et si l'un de mes proches attrape aussi le coronavirus ?
Spontanément on aurait envie de ne pas y penser. Malheureusement cela ne fonctionne pas comme cela !
Se forcer à ne pas y penser, c’est ne pas donner d’importance à mon anxiété.
Si j’évite mon anxiété : elle va devenir très désagréable.
Pour illustrer mon propos, je vous propose une petite métaphore à lire qui explique la notion d'évitement cognitif :
La métaphore du tigre affamé (Hayes & Smith, 2019)
"Imaginez que vous vous levez un matin et trouvez devant votre porte un adorable bébé tigre. Il est si mignon avec ses petits miaulements que vous ne pouvez que le faire entrer chez vous. Vous le câlinez un moment avant de vous rendre compte que ses miaulements signifient probablement qu'il a faim. Vous lui donnez la moitié d'un steak haché cru, car vous savez que les tigres en raffolent. Le tigre reste chez vous et grandit. En deux ans, vous passez du demi-steak haché quotidien au kilo de viande, puis au quart de boeuf. Le tigre ne miaule plus gentiment quand il a faim, il rugit de façon menaçante. Votre mignon chaton est devenu une bête insatiable qui risque de vous dévorer tout cru si vous ne lui donnez pas ce qu'il réclame. Chaque fois que vous nourrissez votre douleur par l'évitement, c'est comme si vous donniez de la viande crue au tigre : vous ne faites que l'aider à devenir plus grande et plus forte.
Certes, il peut sembler plus prudent de lui donner à manger, car ses rugissements sont menaçants. Mais chaque fois, vous ne faites que la renforcer et lui donner davantage de pouvoir."
Afin d'éviter de renforcer notre anxiété, il est nécessaire de prendre le temps d'observer nos inquiétudes et de les traiter.
Et au pire qu'est-ce-qu'il se passe ? Et au pire ? Et au pire ?
En fonction de la pire conséquence nous verrons si celle-ci est gérable ou si elle présente un faible risque.
Quoi qu'il en soit, il nous sera possible de trouver des solutions pour gérer nos inquiétudes.
Si la solution est gérable, nous pouvons choisir de résoudre le problème qui se pose à nous (vous trouverez ici, une feuille d'exercice de résolution de problème) ou au contraire nous pouvons accepter le faible risque et choisir de nous distraire, si aucune solution ne peut être trouvée.
Plusieurs activités peuvent êtres utiles pour se distraire de nos inquiétudes :
Méditer (application Petit Bambou, vidéo youtube avec Christophe André)
Faire 5 minute de cohérence cardiaque
J’inspire 3 secondes
Je bloque ma respiration 3 secondes
J’expire pendant 6 secondes
Je recommence pendant 5 minutes
Parler avec un proche
Trouver une activité plaisante (lecture, dessin, chant, coloriage, bricolage, jardinage, activité sportive, regarder un film...)
Nous avons parlé de la peur et de l'anxiété, mais que se passe t-il pour les autres émotions que nous ressentons ?
Qu'est ce que la tristesse ?
La tristesse est une émotion simple. Elle révèle un manque de nature affective. Je me sens triste quand je suis privée de quelque chose qui a de la valeur à mes yeux. J'éprouve de la tristesse lorsque je rate une occasion importante.
Ma tristesse révèle alors la présence d'un besoin affectif, du besoin des autres.
Il est important d'accepter et de vivre la tristesse afin de pouvoir aller de l'avant.
En s'autorisant à pleurer et en sollicitant du soutien social, nous gérons notre tristesse.
Le simple fait de se dire "je suis triste et j’en ai le droit" apaise le cerveau.
Qu'est ce que la colère ?
La colère est un émotion simple qui traduit l'insatisfaction. Elle est vécue à l'égard de ce qu'on identifie, à tort ou à raison, comme étant "responsable" de notre frustration. On éprouve donc de la colère envers "l'obstacle" à notre satisfaction. Elle traduit la frustration de nos valeurs et de nos besoins.
C'est sur cet aspect que la colère se différencie fondamentalement de la tristesse (qui elle aussi traduit une frustration). Dans la tristesse, on est directement en contact avec le manque lui-même, alors que la colère est une réaction à la cause de la frustration.
La colère est une émotion que nous vivons fréquemment. En effet, il y a de multiples occasions d'insatisfaction durant une journée de vie. Actuellement, les frustrations peuvent être multiples au cours de la journée, il est donc nécessaire d'arriver à gérer au mieux sa colère.
La colère est la seule émotion qui ne s'apaise pas lorsqu'elle est exprimée à chaud. Trop de colère entraine de l’agressivité, ce qui minimise nos chances d’être entendu.e et donc de voir nos besoins respectés.
Comment pouvons-nous gérer la colère ?
En quittant la situation dans un premier temps
En analysant la situation pour comprendre sa colère
En l’exprimant via la communication non violente (si le sujet vous intéresse, je ferai un article sur la communication non violente).
Qu'est ce que l'ennui ?
L’ennui m’informe du fait que ce sur quoi je porte mon attention ne répond à aucun intérêt ou besoin actuel.
Dans le cas de l’ennui, contrairement à l’impatience, ce n’est pas par manque de disponibilité que la chose ne m’intéresse pas. Je n’ai pas non plus accès à un besoin ou à un intérêt qui serait actuellement frustré. C’est pour cela qu’il m’arrive souvent de demeurer passif devant l’ennui, en attendant qu’il passe. C’est pour la même raison que je cherche à "meubler le temps" pour éviter de le ressentir trop clairement.
L'ennui permet d’identifier les activités qui ont du sens pour nous ou qui répondent à un besoin.
Si l’ennui n’est pas vécu, nous risquons de ne pas savoir quelles sont les activités qui correspondent à nos valeurs et qui sont vraiment importantes pour nous. En revanche, si nous vivons trop intensément l'ennui, nous allons laisser la place à des ruminations et aux inquiétudes, puis à la tristesse et à l’anxiété.
Pour éviter l'ennui : faites un planning SANS LE SURCHARGER.
Quel que soit l'émotion ressentie, il est important de l'exprimer. Pour cela, je vous ai préparé un petit tableau de synonymes pour exprimer vos émotions de la façon la plus précise qu'il puisse être.
Nous avons vu les principales émotions de notre ascenseur émotionnel, mais pourquoi est-il difficile de gérer le confinement ?
Le confinement est une situation inédite, de frustration de nos besoins :
de sécurité (professionnel, santé)
de lien social (amour, amitié, appartenance, intimité)
d’accomplissement personnel
Stratégies pour gérer le confinement
Gardez un rythme et faites un planning (alternance semaines / weekend) pour permettre de se sentir motivé.e. Mettre en place un planning va permettre une amélioration de l’estime de soi.
Profitez de ces journées plus light pour prendre du temps pour soi. Toutes ces choses qu'habituellement nous avons envie de faire, mais nous manquons de temps, c'est le moment de vous y mettre.
Lavez vous, habillez vous, gardez une routine (au moins pendant les jours de la semaine)
Gardez une alimentation saine (au moins pendant les jours de la semaine)
Ne vous surchargez pas : ne pas se mettre en situation d’échec. Rappelez vous que l'objectif est de favoriser le sentiment d'efficacité personnelle.
Il est important de mettre en place des objectifs SMART
Spécifique
Mesurable
Acceptable
Réaliste
Temporellement défini
Spécifique : un objectif spécifique doit être personnalisé, simple à comprendre, clair, précis et compréhensible.
Mesurable : un objectif mesurable doit être quantifié ou qualifié.
Acceptable : un objectif acceptable est un objectif suffisamment grand, ambitieux pour qu’il représente un défi et qu’il soit motivant.
Réaliste : un objectif réaliste est un objectif pour lequel le seuil du réalisme est défini. C’est-à-dire un niveau pour lequel le défi vous motivera et évitera au mieux l’abandon au fur et à mesure de la progression de l’objectif.
Temporellement défini : un objectif temporellement défini est délimité dans le temps : une date butoir avec, éventuellement, des dates intermédiaires. L’objectif doit être clairement défini dans le temps par des termes précis comme « d’ici 3 mois » et non pas par des termes flous comme « le plus rapidement possible ».
Testez des activités totalement nouvelles (planifiez l’activité avec des sous-objectifs quotidiens et autorisez vous l’imperfection).
Limitez l’exposition aux informations (une à deux fois par jour, pas plus de 30 minutes à chaque fois, évitez l’exposition aux images).
Faites la chasse aux fakes news en vérifiant les sources.
Exposez vous à la lumière du jour et à l’air extérieur (au moins 30 minutes, 3 fois par semaine).
Si vous êtes confiné.e.s à plusieurs, prévoyez du temps ensemble et du temps seul. Ce n’est pas une preuve de désamour, c’est un besoin.
Organisez l’espace comme le temps (travail, nuit, repas, loisir, seul, ensemble).
Même si vous ne le faites pas, rappelez vous que vous avez le droit de sortir pour rendre le confinement plus acceptable.
Évitez de vous répéter constamment que « ça va être long », « ce n’est que le début ».
Pendant les jours de la semaine, faites chaque jour :
une activité plaisir (film, livre, chant, danse, puzzle, coloriage, jeux vidéos, bain).
une activité d’accomplissement (télétravail, bénévolat, activité sportive, jardinage, nouvelle recette, écoute de podcast, méditation, formation en ligne, ménage…).
une activité sociale (appel, visio, familles / amis / collègues, réseaux sociaux).
En guise de conclusion, il est important de se souvenir du trio nécessaire à notre bien-être :
Accepter nos émotions
Prendre le temps de ressentir nos émotions
Exprimer nos émotions
Sources :
Darwin, C. (1872).The expression of the emotions in man and animals by Charles Darwin. Murray.
Tooby, J., Cosmides, L. (1990). The Evolutionary Psychology of the Emotions and Their Relationship to Internal Regulatory Variables. In Handbook of Emotions. NY : Guilford.
Alvarado, N., Adams, S., et Burbeck, S. (2002). The Role Of Emotion In An Architecture Of Mind. IBM Research.
Hayes, S., Smith, S. (2019). Penser moins pour être heureux. Eyrolles.
Juliette Marty.
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