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Pourquoi nous focalisons-nous sur les expériences négatives ?


Dans un souci de continuité entre les sujets abordés, j’ai choisi de vous présenter dans cet article le biais cognitif de négativité.


Avant d’aller plus loin, vous êtes-vous déjà senti tiré vers le bas par un commentaire, un email ou un événement déplaisant ? Avez-vous déjà ressassé ce commentaire déplaisant ? Avez-vous déjà constaté les mots tourner en boucle dans votre tête ou avez-vous déjà rejoué la scène ? Avez-vous déjà ressenti que cette pensée prenait votre cerveau en otage ?


Avez-vous déjà remarqué notre tendance à donner plus de poids aux situations négatives que positives ? Avez-vous repéré qu’un seul commentaire négatif peut annuler l’effet d’une dizaine positif ?

Lorsqu’il se passe un évènement positif dans notre existence, nous avons souvent tendance à passer très vite à autre chose. Comme si cela était normal ou que nous ne le mériterions pas vraiment finalement. En revanche, nous sommes capables de ruminer des heures une situation négative qui a pu se produire. C’est ce que de nombreux chercheurs ont défini comme étant le biais cognitif de négativité.


Avant d’aborder en détail, ce biais cognitif, voici une simple illustration fictive, qui reste dans le thème de l’activité jardinage que j’ai découvert pendant le confinement.



Situation : Je décide de faire pousser des plantes devant chez moi. Ma voisine me fait remarquer que je devrai davantage les arroser parce que la terre commence à être très sèche.


Pensées : « Voilà elle me trouve nul.le », « Elle me fait remarquer que je n’y arrive pas », « Elle a probablement raison, je ne vais jamais y arriver ».


Émotions : Colère, Frustration, Tristesse, Honte


Comportements : J’arrête de m’occuper de mes plantes, je ressasse la situation pendant des heures, mon week-end est fichu.





Les biais cognitifs, qu’est-ce que c’est ?

Les biais cognitifs sont des formes de pensée qui dévient de la pensée logique ou rationnelle. Ils ont tendance à être systématiquement utilisés dans diverses situations. Ces biais constituent des façons rapides et intuitives de porter des jugements ou de prendre des décisions qui sont moins laborieuses qu’un raisonnement analytique qui tiendrait compte de toutes les informations pertinentes. Ces jugements rapides sont souvent utiles mais sont aussi à la base de jugements erronés typiques.


Le concept des biais cognitifs a été introduit au début des années 1970 par les psychologues Daniel Kahneman (prix Nobel en économie en 2002) et Amos Tversky pour expliquer certaines tendances qui poussaient les individus à des décisions irrationnelles dans le domaine économique. Depuis, de nombreux biais cognitifs jouant un rôle important, intervenant dans différents aspects de notre vie ont été identifiés par la recherche en psychologie cognitive et sociale.


Qu’en est-il du biais cognitif de négativité?

Le biais cognitif de négativité est un héritage de notre évolution en tant qu’espèce. Les expériences négatives sont apprises plus facilement et sont mieux remémorées que les expériences positives. Celles-ci demandent une plus grande attention et prennent plus de temps à être analysées afin de fournir la réponse la plus adaptée à la situation.

Exemple : Si je suis dans une situation qui provoque chez moi de la peur, je peux choisir de fuir, de combattre ou de me me cacher. En fonction de la situation, mon cerveau proposera la réponse la plus adaptée.


Notre cerveau a ainsi naturellement tendance à donner plus de poids aux expériences négatives. Cela s’explique par l’attention, les émotions et les zones de la mémoire que notre cerveau utilise pour palier nos expériences négatives.

Le cerveau humain serait ainsi plus sensible aux défauts d’une personne qu’à ses qualités, aux échecs qu’aux succès, aux mauvaises nouvelles plus que par les bonnes, etc. (Fiske, 1980).

Ce biais cognitif de négativité a toutefois son utilité. Il nous permet de rester pragmatique et ancré dans la réalité. Il se fait l’avocat du diable et nous aide à identifier les obstacles à franchir pour atteindre nos objectifs. C’est lorsque le pessimisme prend le dessus trop fréquemment ou pour une trop longue durée que ce biais devient contre-productif.


Dès 1960, les recherches se développent sur le biais cognitif de négativité. En 1966, une enquête portant sur les manuels de psychologie a montré que les chapitres dédiés aux émotions négatives étaient deux fois plus nombreux que ceux traitant des émotions positives.


En 1985, l’examen de plus de 17 000 articles scientifiques de psychologie indique que, dans 69% des cas, les recherches portent sur des émotions négatives, contre 31% sur les émotions positives. Ce travail met en évidence quatre émotions primaires négatives : peur ; tristesse ; colère ; dégoût face à une émotion primaire positive : joie.


En 1990, Martin Seligman, président de l’Association américaine de psychologie appelle l’ensemble de ses collègues à étudier la psychologie positive. Cet appel est le point de départ de ce nouveau courant de pensée.

Paul Rozin et Edward Royzman ont identifié trois éléments qui permettent de mieux comprendre ce biais cognitif de négativité :

  • le pouvoir de la négativité : un élément négatif l’emporte toujours sur un évènement positif de même importance.

  • la dominance négative : notre tendance à interpréter plus négativement un ensemble de faits positifs et négatifs que la somme des éléments ne le suggère (c’est à dire que le tout est plus négatif que la somme de ses parties négatives).

  • la différenciation négative qui signifie que le concept de négativité est plus élaboré et complexe que celui de positivité. Nous utilisons un vocabulaire plus varié pour décrire un évènement négatif comparé à un évènement positif.


Que faire lorsque nous nous retrouvons au milieu d’une spirale négative ?


#1 | En prendre conscience et démasquer notre biais cognitif de négativité


Tout commence par la prise de conscience de ce qui est en train de se passer pour nous sans jugement. Il est important de l’identifier puis de le nommer comme pour le sortir de l’ombre du style « C’est mon biais négatif qui est de retour! ». Bon, je vous l’accorde, ça ne sonne pas top.


Vous pouvez aussi lui donner un petit surnom si vous préférez et même le visualiser. Pour ma part, je me l’imagine un peu comme un petit monstre, pas content, bougonnant dans son coin que j'ai surnommé

"Le grincheux".




Quand une pensée négative nous occupe l’esprit, nous pouvons essayer de trouver une « preuve » du contraire dans nos souvenirs.

Reprenons l’illustration fictive avec ma voisine.

Version n°1 : Je laisse Le grincheux prendre le contrôle


Situation : Je décide de faire pousser des plantes devant chez moi. Ma voisine me fait remarquer que je devrai davantage les arroser parce que la terre commence à être très sèche.


Pensées : « Voilà elle me trouve nul.le », « Elle me fait remarquer que je n’y arrive pas », « Elle a probablement raison, je ne vais jamais y arriver ».


Émotions : Colère, Frustration, Tristesse, Honte


Comportements : J’arrête de m’occuper de mes plantes, je ressasse la situation pendant des heures, mon week-end est fichu.


Version n°2 : Je contrôle Le grincheux et je me concentre sur le positif.


Situation : Je décide de faire pousser des plantes devant chez moi. Ma voisine me fait remarquer que je devrai davantage les arroser parce que la terre commence à être très sèche.


Pensées alternatives : Lorsque ma voisine me fait remarquer que j’ai mal arrosé mes plantes, je peux choisir de penser et de me souvenir de toutes les fois où elle m’a félicité pour mes progrès en jardinage. « Elle me donne un conseil c’est gentil », « Bientôt je saurai quand il faut que j’arrose toute seule », « Je fais des progrès ».


Émotions : Joie, Fierté, Motivation


Comportements : J’arrose mes plantes et je suis encore plus motivée !


#2 | Détourner notre attention


Saviez-vous que la réaction physiologique d’une émotion ne dure que quelque secondes ? Et pourtant, nous nous retrouvons souvent de longues minutes voire des heures entières à ressasser nos pensées, avec une boule dans la gorge et/ou un noeud à l’estomac. Lorsque nous focalisons notre attention sur nos pensées négatives, nous entretenons la réaction physique qui renforce nos pensées qui à leur tour amplifient les sensations dans le corps etc… C’est le fameux serpent qui se mort la queue.


Pour éviter cette spirale négative, il s’agit de focaliser notre attention sur quelque chose d’autre. Le meilleur des divertissements : le rire ! Vous pouvez aussi sortir marcher quelques minutes, faire du sport, vous faire des grimaces dans le miroir, mettre de la musique et chanter à tue tête. Bref, quoi que ce soit qui puisse détourner notre attention de nos pensées.


#3 | Entrainer son cerveau à mémoriser le positif


Il est important de se souvenir que notre cerveau est un muscle !

Lorsqu’une expérience positive apparait, notons là et donnons lui toute l’importance qu’elle mérite, avant que notre cerveau ne l’écarte. Essayons de garder en tête cet évènement ou cette pensée plus longtemps que d’habitude.



Comme si nous essayions de faire une photographie mentale de cette situation pour l’immortaliser.


À force d'entraînement, nous aurons bientôt un cerveau concentré sur nos expériences de vie positive, qui nous fournira toujours plus d'hormones du bonheur !

Sources :


Carstensen, L.L., Mikels, J.A. (2005). At the intersection of emotion and cognition, aging and the positivity effect, Current Directions in Psychological Science, vol. 14, pp. 117-121.


Mather, M., Carstensen, L.L. (2005). Aging and motivated cognition : the positivity effect in attention and memory, Trends in Cognitive Sciences, vol. 9, pp. 496-502.

Rozin, P., Royzman, E.B. (2001). Negativity bias, negativity dominance, and contagion, Personality and Social Psychology Review, vol. 5, pp. 296-320.


Juliette Marty.

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