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Se comparer aux autres a-t-il un impact sur l'estime de soi ?

Dans ma pratique clinique j’entends souvent mes patients dire « Il est meilleur que moi », « Je suis nulle par rapport à ma collègue de travail », etc. Nous avons bien souvent tendance à mélanger le besoin que nous avons de nous comparer et la dévalorisation personnelle qui y est associée.


Comparaison sociale, dévalorisation, auto-critique, faible estime de soi, tant de notions qui gravitent autour de l’estime de soi. Aujourd’hui j’ai choisi de me concentrer sur le besoin que nous ressentons de nous comparer aux autres.


Pourquoi avons-nous besoin de nous comparer aux autres ? Serait-ce pour se motiver ? Pour se valoriser ? Pour se rassurer ? Ou peut-être finalement un peu tout cela à la fois.


Leon Festinger, sociologue américain, introduit la théorie de la comparaison sociale dans les années 1950. Selon lui, se comparer est une nécessité pour se connaître et progresser : tenter d’égaler celui qui est tenu pour supérieur (la « comparaison ascendante ») nourrit l’ambition, y parvenir alimente l’estime de soi. À l’inverse, se comparer à plus malheureux (la « comparaison descendante ») sert à relativiser nos échecs, nous réconforte – « Il y a bien pire » – et parfois peut même nous réjouir.


D’après Gilbert et coll. (1995) la « comparaison sociale » serait un processus quasi automatique que nous utiliserions pour atteindre plusieurs buts : nous rassurer à propos de nos performances ou de nos opinions, gonfler notre estime de soi, lutter contre l’influence, etc.


Nous pouvons observer trois besoins à l’intérieur de ce phénomène de comparaison sociale :

  • Le besoin d’auto-évaluation : nous aurions besoin de situer nos opinions, aptitudes et autres performances par rapport aux autres, par rapport à ceux qui nous ressemblent (c’est en tout cas le postulat de Leon Festinger, initiateur de la Théorie de la Comparaison sociale). Est-ce que ma performance est satisfaisante ? Est-ce que « j’ai faux » ? Tout compte fait, une note a-t-elle une valeur si on ne la compare pas aux notes obtenues par les autres ? Serions-nous « addicts » à Candy Crush Saga si le jeu ne nous permettait pas de savoir que l’on a battu nos amis ?

  • Le besoin de « réhaussement de soi » : finalement, la comparaison sociale ne nous permettrait pas seulement d’évaluer notre performance, mais nous amènerait aussi à nous attribuer une valeur (Goethals et Darley, 1977 ; Brown, Collins et Schmidt, 1988). En nous comparant, nous voulons aussi booster notre estime de soi, renforcer notre sentiment d’efficacité personnelle, constater que nos capacités sont les bonnes. Pour parvenir à ce « petit shoot d’auto-kiff », nous allons faire des « comparaisons descendantes », c’est-à-dire que nous allons nous comparer à quelqu’un que nous percevons comme un peu moins bon dans le domaine concerné, afin de nous protéger et de conserver une image positive de nous-même (Steele, 1988 ; Wood et Taylor, 1991).


  • Le besoin d’amélioration de soi : parfois, nous avons besoin d’aller plus haut, de nous améliorer. Pour atteindre une meilleure version de nous-même, nous enclenchons parfois des « comparaisons ascendantes »… Autrement dit, nous nous comparons à quelqu’un que nous percevons comme meilleur sans adopter d’attentes irréalistes, auquel cas la comparaison pourrait avoir un effet négatif sur l’estime de soi. Nous utilisons autrui comme une source d’inspiration (Smith et Sachs, 1997, Hakmiller, 1966).


Si la comparaison sociale peut avoir de nombreux aspects positifs, elle entraine aussi parfois des conséquences plus négatives. Notre cerveau a tendance à focaliser son attention sur le négatif et sur le manque. Un phénomène que les neuropsychologues appellent le biais cognitif de négativité (un article arrive bientôt à ce sujet!). La conséquence de ce biais est l’impact négatif de cette comparaison ascendante sur notre façon de nous évaluer par rapport aux autres et sur notre estime de soi.


Des recherches récentes ont montré l'impact des réseaux sociaux sur l'estime de soi. L'apparition de nombreux réseaux sociaux (facebook, instagram, snapchat, etc) a amplifié nos habitudes à nous comparer aux autres. Ils nous donnent la possibilité de publier, modifier, retoucher des images de soi idéalisées qui sont souvent bien loin de la réalité (Vogel, Roberts et Rose, 2014 ; Wilcox et Stephen, 2013 ; Toma, 2013).


Ces différentes études (Vogel, Roberts et Rose, 2014 ; Wilcox et Stephen, 2013 ; Toma, 2013) sont arrivées aux conclusions suivantes :


  • Nous avons tendance à focaliser davantage notre attention sur une comparaison sociale ascendante plutôt que descendante,

  • La comparaison sociale ascendante a un impact négatif sur notre niveau d’estime de soi et sur notre évaluation de nous-même

  • La comparaison sociale descendante n’aurait pas d’impact sur le niveau d’estime de soi


Ces récentes études nous montrent que l'être humain est en constante évolution et changement. En 1990, il y a 30 ans, les chercheurs expliquaient les effets positifs de la comparaison sociale descendante. 25 ans plus tard, les études concluent que ces comparaisons n'auraient pas - ou plus - d'impact sur le niveau d'estime de soi.

Si nous partons du postulat que nous sommes en changement permanent, nous pouvons émettre l'hypothèse que d'ici les 50 prochaines années, l'être humain aura moins l'habitude de se comparer au quotidien.


Aujourd’hui je vous propose de démarrer ce changement et de mettre en route la machine.

Prenons le temps de nous observer et d’améliorer la vision que nous pouvons avoir de nous-même.



Je m’observe et prends conscience de mon comportement


Étape 1: Comprendre la source de ce besoin de comparaison


Comment nous percevons-nous ? Devenir conscient de la façon dont nous nous voyons, est le premier pas pour changer cette perception. Autrement nous pourrions ne pas nous rendre compte qu'il y a un souci. Ce n'est pas facile de changer. En prenant conscience de la manière dont nous nous percevons, cela devient plus simple. Il devient alors possible, par exemple de nous fixer des objectifs réalisables dans le but de modifier un aspect de notre comportement.


La première étape pour lâcher-prise avec les comparaisons est de les reconnaître quand c’est le cas. Nous n’avons pas forcément l’habitude de nous concentrer sur nous-même. L’exercice pourrait ne pas sembler naturel. En effet, notre habitude de comparaison peut être très ancrée puisqu’elle a été répétée de nombreuses fois. Lorsque nous en prenons conscience, nous pouvons apprendre à laisser passer nos pensées négatives quand elles se présenteront. Ainsi, nous aurons la possibilité de recentrer notre attention sur nous-même, et non sur ces pensées.


Étape 2 : Devenons conscient de notre estime de soi.


L'estime de soi, c'est la façon dont on se voit, en bien ou en mal. Nous avons tous des jours avec et des jours sans. Notre estime de soi varie - souvent - selon les évènements. Nous pouvons aussi concevoir l'estime de soi comme un trait de personnalité stable qui se développe au cours de la vie.

Nous pouvons nous poser ces deux questions pour évaluer notre estime de nous-même :

  • Ai-je une bonne opinion de moi-même ?

  • Les autres personnes influencent-elles cette opinion ?

Étape 3 : Identifiez les moments où nous nous comparons aux autres.


À chaque fois que nous nous comparons aux autres, notons-le. Notons si nous nous percevons comme en position de supériorité ou d’infériorité.

Notre façon de réagir à cette comparaison peut avoir une conséquence positive ou négative sur notre estime de soi.


Exemple fictif des conséquences possibles sur l’estime de soi :


Situation : Je n’arrive pas à entretenir les fleurs et les plantes qui poussent devant chez moi, alors que ma voisine y arrive à la perfection.


Pensées automatiques : « Je suis nul.le », « Pourquoi est-ce qu’elle y arrive et pas moi ? », « Je ne suis vraiment bon.ne à rien ».


Émotions : Frustration, Agacement, Jalousie


2 options se présentent à moi :



Étape 4 : Écrivons nos pensées.


Prenons aussi le temps de noter nos actions résultant d'une comparaison aux autres, si possible lorsque les souvenirs sont encore dans notre esprit afin d'être le plus précis possible.


  • Réfléchissons à ce que cette comparaison nous a fait ressentir et n'ayons pas peur d'écrire tout ce qui nous passe par la tête. Par exemple, que nous nous sentons déprimé.e.s parce que la voisine a réussi à faire pousser son rosier alors que nous n’y arrivons pas.




Je choisis d’améliorer la vision que j’ai de moi-même


Étape 1 : Ne soyons pas trop dur avec nous-même.


Étape 2 : Focalisez-nous sur ce que nous avons.


Après avoir réalisé l'impact négatif de la comparaison, c'est ce qu'il y a de mieux à faire. En étant reconnaissant des choses que nous avons, nous nous concentrons sur nous-même et non sur les autres.


  • Prenons le temps de penser à ce qui nous plait dans notre vie. Quand notre esprit n'est pas occupé à se comparer aux autres, il a plus de temps pour se rendre compte de ce qui va bien.

  • Essayons de faire une liste de toutes ces choses qui nous plaisent et que nous avons accomplis.


Étape 3 : Démarrons un journal de gratitude.

C'est une bonne façon de voir d'un nouvel œil des choses que nous pouvons parfois considérer comme acquises et de les apprécier pleinement. Repensons à nos plus beaux souvenirs : des choses que nous avons faites, des endroits où nous sommes allé.e.s, des moments passés avec des amis... autant de souvenirs qui peuvent nous rendre heureux.ses.

  • Un journal de gratitude peut être très efficace, mais il faut en avoir envie ! Comme toujours, on ne se force pas à faire quelque chose qui ne nous fait pas plaisir. Ce n’est aucunement une obligation.

  • Ne nous limitons pas à une simple liste et prenons le temps de décrire et d'expliquer certains moments qui nous ont rendu heureux.ses.

  • Racontons des évènements inattendus et des surprises qui nous ont fait plaisir.

  • Il n’est pas utile d'écrire tous les jours, mais si nous en ressentons l’envie, fonçons !

Sources :


Festinger, L. (1954). A Theory of Social Comparison Processes, Sage Journals, 7(2), 117-140. Miller, C. T. (1984). Self-schemas, gender, and social comparison: A clarification of the related attributes hypothesis.Journal of Personality and Social Psychology, 46(6), 1222–1229.

Steele, C. (1988). The Psychology of Self-Affirmation: Sustaining the Integrity of the Self. Advances in Experimental Social Psychology, 21, 261-302.

Bown, J., Collins, R., & Schmidt, G. (1988). Self-Esteem and Direct Versus Indirect Forms of Self-Enhancement. Journal of Personality and Social Psychology, 55(3), 445--453.

Wood, J. V., & Taylor, K. L. (1991). Serving self-relevant goals through social comparison. In J. Suls & T. A. Wills (Eds.),Social comparison: Contemporary theory and research(p. 23–49). Lawrence Erlbaum Associates, Inc.

Wilcox, K., & Stephen, A. T. (2013). Are close friends the enemy? Online social networks, self-esteem, and self-control. Journal of Consumer Research, 40, 90–103.

Toma, C. L. (2013). Feeling better but doing worse: Effects of Facebook self-presentation on implicit self-esteem and cognitive task performance, Media Psychology, 16, 199–220 Vogel, E., Rose, J., Roberts, L., & Eckles, K. (2014). Social comparison, social media, and self-esteem, Psychology of Popular Media Culture, 3. 206-222.


Juliette Marty.

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